Maisons d’éditions: Une prolifération qui illustre le dynamisme de l’écriture
La prolifération des maisons d’édition au Sénégal reflète le dynamisme du secteur, malgré le manque de qualité qui caractérisent certains des ouvrages qu’elles publient, estiment des férus de la littérature sénégalaise interrogés au micro l’APS.
Depuis quelques années, de nouvelles maisons d’éditions voient le jour un peu partout sur le territoire national. Elles sont créées par des jeunes qui non seulement s’adonnent à l’édition, mais assurent aussi la promotion de leurs propres ouvrages ou ceux des autres auteurs de même génération.
Des écrivains et autres férus de la littérature partagent un constat : le manque de qualité des ouvrages édités par certaines de ces nouvelles maisons. Ce foisonnement de maisons d’édition n’en illustre pas moins à leurs yeux, le dynamisme du secteur de l’écriture au Sénégal.
« Je crois que plusieurs jeunes s’adonnent à ce métier sans se former et même sans savoir l’importance de l’édition, de l’accompagnement d’un auteur, etc. », soutient Fatoumata Diallo Bâ, écrivaine et enseignante de français et de latin au lycée français Jean-Mermoz de Dakar.
Auteure de deux romans (Des cris sous la peau 2022 et Rouge silence 2023), elle explique que si les jeunes s’adonnent à ce métier, c’est parce qu’ils veulent ainsi échapper aux maisons d’édition classiques, où la publication d’un ouvrage requiert de nombreuses démarches.
« Nous sommes un jeune pays, et on a besoin de beaucoup d’énergies pour créer une industrie du livre au Sénégal. Raison pour laquelle il faudrait plutôt avoir plusieurs personnes qui s’essaient et se mettent ensemble pour produire des ouvrages de qualité », indique-t-elle.
Elle déplore le fait que le secteur est actuellement envahi par des non professionnels qui ignorent tout du métier d’éditeur.
‘’L’on ne peut pas créer sa propre maison d’édition juste pour l’autoédition, ce n’est pas possible ! Et lorsqu’il y a des prix littéraires, l’on est tenté de postuler avec sa propre œuvre, ce qui n’est pas très éthique, je trouve’’, critique-t-elle.
Diplômée de Lettres classiques, Fatoumata Diallo Bâ souligne que la meilleure des choses à faire serait le regroupement de ces maisons d’éditions en plusieurs démembrements et selon des lignes éditoriales distinctes. Cette sorte de mutualisation serait plus efficace, moins coûteuse et permettrait d’avoir une industrie forte et viable.
Elle appelle l’Etat à réguler le secteur afin que les gens respectent l’éthique, pour éviter la publication de productions dont la « qualité laisserait à désirer ».
« Diffuser et faire la promotion de son propre ouvrage, je pense que ce n’est pas bien, cela crée de la pagaille. C’est la raison pour laquelle l’on voit parfois des livres qui sont truffés de fautes, car il n’y a pas eu en amont une équipe de relecture avant la publication », déplore-t-elle.
Fatimata Diallo Ba pense qu’il faudrait faire confiance à la jeunesse en l’accompagnant dans ce métier qui permet de découvrir le talent sénégalais.
« Un livre doit être nickel avant d’être publié. [C’est pourquoi] j’insiste sur le fait qu’il faut avoir un comité de lecture avant toute publication. Cela permet au lecteur de nous faire confiance et d’avoir envie de nous lire », insiste-t-elle.
L’écrivaine-enseignante estime qu’une bonne maison d’édition et la publication d’ouvrages de qualité requièrent un comité de lecteur à la hauteur.
« L’édition doit être organisée, elle n’est pas une jungle. Comme toutes les industries naissantes, il y aura beaucoup d’erreurs, mais si l’on s’organise petit à petit, cela va finir par se réguler », déclare-t-elle.