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🛑 Sénégalaiseries Par Ibou Fall ( Vidéo )

Depuis le fond des urnes, la révolution…

Dimanche passé, le 24 mars 2024, le peuple du Sénégal, sans distinction de sexe, de race, de confession, vote sans fanfaronner, comme il le fait régulièrement depuis 1848, en dépit de bien des émotions. Chacun, selon son intime conviction, exprime alors son sentiment sur ce que doit devenir notre République, le temple des futurs Sénégalais, c’est-à-dire nos enfants, nos petits-enfants et leurs descendances, qui sont les nôtres.
Sauf que, cette fois, parler d’alternance relèverait de l’euphémisme : quand bien même le sang ne gicle pas sur les murs, cette présidentielle est une authentique révolution…
C’est aussi cela, être sénégalais : ça ne fait rien comme tout le monde.
Rien de nouveau : chaque élection, comme à l’accoutumée, avant le jour fatidique, charrie son cortège d’incertitudes, de crises de nerfs, de clowneries et de tragédies. La route est longue, depuis le premier métis député du Sénégal, l’avocat François Carpot, né à Saint-Louis en 1862 et élu en 1902, que remplaceront à la suite, Blaise Diagne, Galandou Diouf, Lamine Guèye, Léopold Sédar Senghor…
Comme une curieuse tradition, ils s’allient les uns aux autres, puis se séparent, s’affrontent, se combattent et se succèdent. Ils sont tous de la même engeance.
Malgré les apparences, l’alternance, au Sénégal, est une vieille tradition…
À partir de 1963, la principale élection n’est plus celle du député du Sénégal au Parlement français mais celle du président de la République. Les alternances font une pause : Léopold Sédar Senghor rempile encore et encore, en 1963, 1968 (après avoir repoussé l’élection prévue en décembre 1967 quand le mandat était de quatre ans), 1973 avec des scores qualifiés de soviétiques.
Seul candidat possible, compte tenu des conditions légales de soumission d’une candidature à la présidentielle, il finit par se faire une raison : à chaque élection qu’il remporte les doigts dans le nez, quand ce n’est pas le bain de sang, comme en 1963, c’est le séisme social. Les grèves de 1968 et 1973 mènent la République au bord du gouffre…
Il faudra toute la culture républicaine de l’Armée sénégalaise, à laquelle le pouvoir est proposé en 1968, pour que notre démocratie vogue à nouveau vers son destin si tumultueux. Pourtant, partout en Afrique, et même sur bien d’autres continents à travers le monde, guerre froide oblige, c’est la mode des putschs militaires et des forcings totalitaires.
Quand je vous dis que le Sénégal est une perle rare…
Certes, arrive le pluralisme démocratique après 1974, avec la création du Parti démocratique sénégalais, PDS, sous la houlette de Me Abdoulaye Wade, qui fait sensation.
Mais cela relève plutôt de la cosmétique institutionnelle.
Le « parti de contribution » est bien trop gentil : il demande juste à entrer dans un gouvernement pour réparer les frustrations d’un ancien militant, Abdoulaye Wade, battu dans sa ville natale, Kébémer, par Djibril Ndiogou Fall. Mauvais perdant, Wade claque la porte de l’UPS quand, en plus, le ministère des Finances, sur lequel il fait alors une fixation, revient à Babacar Bâ, qui y remplace Jean Collin, ministre des Finances sept années durant.

Excusez du peu.
Dans la foulée des réformes institutionnelles, le Sénégal ayant besoin de siéger aux tables des grandes familles idéologiques mondiales, le fameux concert des Nations si cher au président Senghor, d’autres courants sont tolérés.
Le gauchiste repenti Majmouth Diop, revenu de son exil malien, ressuscite le Parti africain de l’Indépendance, PAI, au prix d’une gentille pharmacie dans le centre-ville.
Le tableau de famille politique sénégalais en est presque touchant lors des élections générales de 1978, qui combinent présidentielle et législatives : ça y distingue comme dans un vieux western, le bon, la brute et le truand…
Côté underground, bien sûr que ça grenouille dans la clandestinité…
Ça décompte dans cette sombre smala, un peu n’importe qui : de l’indigné gauchiste, de l’obtus islamiste, du simplet raciste, du terroriste borné, du crétin patenté.
Il faut de tout pour déconstruire une planète, n’est-ce pas ?
Senghor, le timonier de la barque Sénégal, ça fait bien des années qu’il n’en peut plus. L’âge, à n’en pas douter, certes ; la médiocrité ambiante, à mon sens, le pousse davantage à la retraite. Réélu en 1978, il a en tête de céder la place à mi-mandat, fin 1981.
C’est finalement fin 1980, le 31 décembre, qu’il rend le tablier, élégamment, avec cet art du beau geste que seul le savoir-vivre inspire.
Ce n’est pas une alternance, juste une transition.
Son successeur, l’interminable Abdou Diouf, du haut de sa splendeur, croit avoir tout compris : Senghor, ce poète (comprenez, ce rêveur) est un coincé de la démocratie, laquelle demande plus de hauteur. Deux mètres, sans doute. L’administrateur civil simplet, qui se croit démiurge, ouvre les vannes d’un art majeur et complexe que seuls les esprits supérieurs et raffinés devraient exercer : la politique…
Abdoulaye Wade, persuadé de n’en faire qu’une bouchée à la présidentielle de 1983, ne comprend pas vraiment que le patron de l’époque se nomme Jean Collin. Grave erreur… Il s’y casse les dents en 1988 également.
Comme dit le Wolof, « balâ ngay khàm, khamadi khaw lâ rèy »… Traduction : à force de se planter, on finit par comprendre ce qui se passe.
Le 19 mars 2000, lorsque les chiffres du scrutin tombent, les Sénégalais sont soulagés : enfin, on change de monde… Wade n’est pas Diouf, le destin du pays empruntera donc une nouvelle trajectoire.
Ça fera illusion quelque temps…
C’est juste une nouvelle bande de profitards qui s’installe ; à la différence qu’ils ont plus faim que leurs prédécesseurs. Ceux qui grignotaient le bien public peureusement à grands coups de millions leur font pitié : eux, les nouveaux maîtres du pays, ils le dévorent à p’tits coups de milliards…
Il faudra douze interminables années pour que la supercherie de l’alternance, la première, soit démasquée. Le panache de Wade sur la scène mondiale, l’aventure des « Lions » en 2002, les rendez-vous planétaires comme l’OCI, le FESMAN et autres rencontres mondiales, en plus des autoroutes, échangeurs, immeubles et autres faits glorieux, font croire que le Sénégal est un pays riche…
Sauf que le Sénégalais moyen se sent de plus en plus pauvre tout ce temps. Les milliards dont on parle, il n’en sent même pas l’odeur. Dans les chaumières, ça commence à parler « d’alternoce » dont jouissent les marabouts et pontes politiques.
Le 26 mars 2012, une nouvelle alternance survient.
Arrive un nouveau venu, qui promet d’être sobre et vertueux. Il a une bonne tête de Sénégalais sans aspérité, et son épouse est d’une convivialité touchante. Une « darling kôr » à la simplicité légèrement sophistiquée, dont la générosité est trop exubérante pour être innocente.
Après un calvaire de douze années à supporter des caprices, des lubies qui ne les rendent pas plus riches, ni plus heureux, en dépit des titres de champions africains de football, toutes catégories, et des nombreux éléphants blancs du Plan Sénégal émergent, les Sénégalais décident de tourner cette page que l’on a surnommée, « une deuxième alternance ».
Cette fois, ce n’est plus une « alternance », comprenez un acteur de la scène publique qui fricote avec tout le monde, selon les saisons, aux affaires comme dans l’opposition.
Les Sénégalais votent ce 24 mars 2024 sans trembler pour le candidat qui leur ressemble.
Personne ne prend soin de lui, alors qu’il est depuis dix-sept ans dans la Fonction publique et qu’on ne lui reproche rien. Juste qu’il n’a pas le bras long. Comme tous ceux qui se disent qu’ils ont du mérite mais pas de « badieune ».
Bassirou Diomaye Faye, banal inspecteur des Impôts, a le plus mince CV de tous les candidats. Jamais élu à la moindre fonction honorifique de l’Etat, ni de la République, même pas directeur de quoi que ce soit… Il inspire de la pitié, face à Amadou Bâ, de la mouvance présidentielle, un candidat dont le cursus laisse penseur : directeur des Impôts, DG des Impôts et Domaines, ministre des Finances, ministre des Affaires étrangères, Premier ministre.
BDF, pour faire simple, n’a pas même de pédagogie pour expliquer le « Projet ». Ça tombe bien, les Sénégalais s’en foutent comme de leur premières couches.
Nos compatriotes demandent juste de faire table rase de tout ce qui précède : le p’tit monde truculent des politiciens versatiles, qui s’arrangent avec leur bonne conscience tant que leurs privilèges sont saufs depuis une cinquantaine d’années.
Dans les pays où les frustrations se règlent à coups de pistolets, ça s’appelle une révolution…
Mais nous sommes au Sénégal, une République pas comme les autres.

IBOU FALL

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